Avatar-Un film de James Cameron

Il aura donc fallut 12 ans à James Cameron pour retourner une œuvre de fiction qui soit diffusée sur grand écran, et qui ne soit pas un documentaire sur les fonds marins et autre folklore purement aquatique. Si ma mémoire et bonne, dans les années 90, ce réalisateur projetait déjà de faire un film, où les acteurs seraient en image de synthèse, provoquant ainsi un tollé chez certains puristes arguant le fait qu’aucune science informatique ne pourrait générer l’émotion d’un vrai acteur. L’ingénierie des images de synthèse a depuis bien évoluée, les logiciels autant que les machines…

Que vaut donc cet Avatar ? Produit que l’on nous a imposé une fois de plus, par le biais des canaux de lobotomisation cathodiques et médiatiques que nous connaissons si bien. Le premier constat à faire est que James cameron ne perd en rien de ses talents de metteur en scène, et se démarque de bon nombres de yesmen soumis, dont le carnet d’adresses bien remplit et dont le flair pour le relationnel excuse parfois très bien l’absence de talent (ne voyez pas dans cette réflexion une remarque chauvine de ma part, nous avons les mêmes en France). Certains zooms viennent parfois cependant perturber l’ensemble, donnant à la réalisation un effet old-school quelque peu désuet au milieu de cette débauche High-tech.

Mais là où certains réalisateurs s’enliseraient en effet bien vite dans la complexité d’un tel projet, Cameron a su garder un découpage fluide simple et direct, comme son histoire. Il sait insuffler de la vie dans son film en deux plans, chose qui n’est pas donnée à tout réalisateur…

Le design très travaillé des vaisseaux, des équipements, des créatures est un grand gage de qualité du film, le fruit du travail de plus d’une décennie peut-être : à l’heure du cinéma fast-food, recyclé et instantané (du cinéma soluble donc), des années de travail emmagasinées peuvent faire la différence quand à la qualité d’un film… Visuellement, on ne s’ennuie pas, et les plans dont est capable Cameron rendent un bon nombre de séquences vraiment vivantes et intrépides, ce qui est le cas notamment de la première expédition dans la jungle, l’immersion fonctionne donc bel et bien.

Ayant subit une opération des yeux plus jeune, je ne sais pas si je suis en mesure de juger de l’impact de la 3D sur les longs-métrages de cinéma, dans la mesure où je n’étais pas, au sortir de cette opération, capable de discerner certains effets de relief. Je n’ai en tout cas pas trouvé le dispositif spectaculaire, mis à par en terme d’impact sur le prix du billet : presque 5 euros pour porter des lunettes pendant un film, merci bien…

Peut-on faire un bon film avec 200 Millions de dollars de budget ? La réponse est oui.

Même si la simplicité de l’histoire et sa teneur en eau de rose pourraient en faire fuir plus d’un, le film donne quand même un minimum à réfléchir. A ce prix là, il peut. Avatar est en effet un crypto-remake de Poncahontas, mais pas un remake fidèle, Cameron trace sa propre route et propose une grille de lecture qui pourrait faire passer son film pour beaucoup moins niais qu’il n’y parait. Les na’vis sont de grands lapins-schtroumpfs, animistes en diable, et vivent en osmose parfaite avec la forêt dans laquelle ils habitent, et qui leur prodigue diverses sources spirituelles. Ladite forêt m’a d’ailleurs parfois bien rappelé l’univers de Miyazaki et de sa princesse Mononoké, mais passons, le cinéma connaît actuellement  une période d’emprunts, de citations ou de vol entre les films assez ostentatoire. Les Na’vis habitent la planète Pandora, la symbolique est un peu lourde, mais au final, assumée, Pandora sera-t-elle ouverte ? La filiation entre les Na’vis et les amérindiens est flagrante et voulue, que cela soit par leurs coutumes, leur culte, leur relation à la nature, leurs cris, ou encore leurs maquillages de guerre. L’histoire que nous raconte James Cameron est une sorte de parabole sur la création des Etats-Unis d’Amérique, où la planète Pandora remplace le nouveau monde et où les conquérants prennent ici la forme d’un puissant conglomérat économico-militaire, tiens donc…

L’expédition militaire, qui se rend sur Pandora, pourrait donc être aussi une métaphore d’un certain pouvoir omniprésent au sein des Etats-Unis d’Amérique, celui du conglomérat résultant des alliances entre oligarchie financière et industrie militaire, l’image est assez troublante… D’autant plus que l’expédition est gérée sans aucun compromis par un jeune yuppie arrogant, que l’on a très vite envie d’abandonner seul et nu dans la jungle de Pandora.

Le militaire au service du capitaliste ? Fichtre, il est en tout cas étonnant de retrouver pareille métaphore dans le blockbuster le plus cher du moment, les alliances entre le monde de la finance et le monde militaire américain ayant en effet donné lieu à quelques tergiversations géo politiques malheureuses au cours de la dernière décennie… Rachat de conscience ? En voyant à quel point le colonel, dont la voix dévoile une pointe d’accent sudiste, obéit à son yuppie de chef, la métaphore est en tout cas bien présente, et bien crédible…

Ce discours me rappelle personnellement certains films. 2012 notamment, où la pauvre Amérique disparaît en premier dans le cataclysme, et ou ses ressortissants ont besoin de l’aide des chinois pour s’en sortir (enfin, pour que les plus riches d’entre-eux puissent survivre, le cinéma étant un excellent moyen pour enseigner les valeurs du darwinisme social à ses congénères). Avatar me rappelle également Iron Man, avec son inventeur-vendeur d’armes superstar, qui s’achète une conscience en jouant les super-héros après s’être rendu compte qu’une arme pouvait détruire et rendre les gens malheureux. Le film de Cameron, comme ceux que je viens de citer, semble en tout cas pourvu du même désir de clarté morale, à moins que l’ère Obama soit un peu plus putassière que les ères Reagan ou Bush… Désir d’exposer une certaine situation ? Besoin d’avouer une réalité intangible de son pays ? Cameron ne fait que mettre en place un état de fait, à nous de juger, peut-être.

Avançons donc un peu dans le récit afin d’en savoir clair. L’expédition humaine doit chasser de leur habitat naturel les pauves na’vis, afin d’extraire un précieux métal, s’ensuit donc une invasion aérienne spectaculaire, à grands renforts de projectiles incendiaires qui se transforme en carnage pour les na’vis. Viens alors le temps pour notre héros Sam Worthington de se transformer en Sitting-bull na’vi et d’unir tous les clans de la planète pour repousser l’offensive des vilains capitalistes humains. La chose se fera à grand renfort de bataille aérienne fort efficace. Pandora n’est pas conquise, le nouveau monde reste inexploré, étrange vision que Cameron porte sur l’histoire de son pays. A moins que tout cela ne soit simplement qu’un divertissement

James Cameron est un étrange mutant hollywoodien, perdu entre Cécil B.De Mille, de par le faste de ses productions, et Stanley Kubrick, pour la rareté relative de ses longs-métrages de fiction et les années de travail qu’il semble accorder à ses projets. Il est donc un phénomène rare au sein de la galaxie hollywoodienne, et s’il entrait dans une création de films plus personnels ou réalistes, et moins basés sur l’entertainment, nous aurions sans doute un réalisateur dont la capacité à être auteur, ou considéré comme tel, serait éclatante.

A.C

A propos Lesfilmsd'alexandre

Réalisateur et monteur âgé de 34 ans, impliqué dans divers domaines du cinéma et de l'audiovisuel, mais aussi dans la critique...
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