Inglorious Basterds-Un film de Sergio Leone et Sam Peckinpah (2008)


Excellente nouvelle dans le paysage cinématographique! Sergio Leone, qui ne donnait plus de nouvelles depuis le 30 Avril 1989, et Sam Peckinpah, injoignable sur son portable depuis le 28 Décembre 1984, sont bel et bien de retour ! Les deux compères ont coréalisé en 2008 un long-métrage intitulé Inglorious Basterds, tout un programme! Le film est supposé être, entre autres, un remake illégitime des 12 salopards de Robert Aldrich.

Disons-le tout de suite, la narration est parfois inégale, les séquences s’enchainent parfois avec difficulté, parfois avec brio, mais il leur arrive aussi de s’étirer en longueur, faisant décoller le film comme c’est le cas avec la magnifique scène d’introduction ou celle dans la taverne aux jeux de cartes. Comment Leone et Peckinpah ont-ils fait pour ne pas créer une narration plus fluide ? La collaboration au montage a peut-être été difficile…

Le style de Sergio Leone, tout en longueurs et en ralentis, accompagné de  l’inséparable partition d’Ennio Morricone trouve encore sa force de nos jours. Cadre, musique et découpage peuvent donc ici tenir tête aux clones néo Matrixiens et autres abominations visuelles boursouflées de cgi, le vieux cinéma ne se laisse pas faire par les nouvelles tendances, c’est une grande nouvelle! Le style de Leone se marie en outre très bien avec celui de Peckinpah. Spécialement lors des scènes d’actions, où le montage saccadé et syncopé, que l’on avait déjà vu auparavant dans The wild bunch ou Cross of iron, est un grand gage d’efficacité pour la représentation de la violence, et se montre appréciable au niveau esthétique. Il semblerait donc que ce soit Sam qui ait eu plus d’influence sur Sergio dans la salle de montage, pour les scènes d’actions tout du moins, les scènes de dialogue rappelant, elles,  bien plus l‘univers de Leone…

Inglorious Basterds est donc bien la preuve que les vieux de la vieille savent encore y faire niveau esthétique et découpage, et sans deux kilomètres de render farm pour la post-production. Les autres réalisateurs devraient en prendre de la graine. Gageons que la grammaire visuelle et cinématographique qui émane  de leurs styles respectifs saura nourrir les réalisateurs à venir des générations prochaines… Le visuel de ces deux réalisateurs a toujours été fort, parce que narratif et dramaturgique avant d’être parfois rien d’autre qu’un simple artefact esthétique. Le découpage et le cadrage du film de Leone et Peckinpah sont redoutables, il ne faut pas en douter.

Soyons sérieux un instant, le grand intérêt d’Inglorious Basterds n’est pas, sous couvert d’hommages et autres excuses de cinéphile, cette copie conforme et parfaite du style de Leone et Peckinpah, dont la précision est si saisissante. Le grand intérêt de ce film est d’être un exutoire dans lequel le ressentiment  à l’égard des nazis et de leurs crimes est flagrant. Ainsi, quand l’ours juif sort des ténèbres, batte à la main, pour faire face au sergent Rachtman, interprété par l’excellent et trop rare Richard Sammel, c’est le ressentiment qui ressurgit, celui d’un peuple face au groupe d’hommes qui leur ont infligé les sévices que l’on connaît. La fin du film, avec l’assassinat sanglant d’Hitler et Goebbels au MP-40 en est la plus éclatante symbolisation.

Bombardé depuis de palmes, d’oscars et fer de lance du casting pourtant conséquent, Christopher Waltz signe une composition des plus géniale de l’horrible Hans Landa, à la fois colonel SS et membre de l’abwehr. L’homme est manipulateur, joueur, sournois, obséquieux, rusé, calculateur, et quelque peu psychopathe. Les nazis sont de toute manière abominables dans le film, élégants, hautains, prétentieux, mais aussi intelligents et diaboliquement manipulateurs. La dimension physique des brutes nazis est donc ici éclipsée pour mieux afficher le machiavélisme sournois de leur idéologie. C’est un autre intérêt du film, dévoiler l’aspect séduction et/ou violence du régime nazi, aspect que peu de gens connaissent, s’étant arrêté à la barbarie uniquement physique que tout le monde connaît. Inglorious Basterds n’est donc pas qu’un simple décalque des influences de Quentin Tarantino, il trouve par ce biais là sa singularité. La larmoyante admiration du ministre de la propagande pour son führer ne semble, elle, qu’être l’exagération d’une vérité certaine certaine, le film est donc historiquement beaucoup moins idiot que ce qu’il prétend être.

En mélangeant un certain classicisme cinématographique avec des formes plus pop et plus moderne, on réécrit ici l’histoire sous forme d’uchronie, qui pose du David Bowie en pleine seconde guerre mondiale, pour aller buter ces enculés de nazis, et pas les laisser se suicider comme des merdes dans leur bunker. Sacré Tarantino, même s’il reste peut-être enfermé dans son château munis de salle de cinéma pour voir et revoir ses classiques préférés, il n’a pas finit de nous étonner !

A propos Lesfilmsd'alexandre

Réalisateur et monteur âgé de 34 ans, impliqué dans divers domaines du cinéma et de l'audiovisuel, mais aussi dans la critique...
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