Rampage, un film de Uwe Boll

Il existe des films qui appartiennent au registre purement psychopathe. Le silence des agneaux de Demme ou le Boucher de Chabrol, pour ne citer qu’eux. Le film de Uwe Boll, Rampage, est un objet brutal et agressif, à bien des égards aussi inattendu que stupéfiant.

La radicalité de l’histoire, son traitement et la violence de l’ensemble font que Rampage aurait pu être un épouvantable navet, le choix de faire un tel film était donc un risque assez grand. Bien au contraire, Rampage repousse les limites d’un genre assez  délicat au cinéma: celui de l’ultra-violence.

L’histoire est simplissime, c’est celle de Bill Williamson, petit white trash teigneux, pur produit de la middle class WASP américaine, à tendance tanguyesque, puisqu’il semble se réjouir de rester chez ses parents, ce qui ne manque pas d’inquiéter ces derniers un peu plus chaque jour. Mais Bill n’est pas simplement une petite teigne, c’est un petit con violent et haineux, au final très nihiliste, sans que l’on donne, au final, une explication à l’origine de ses sentiments. Le personnage n’aurait été qu’un stéréotype de plus, si l’excellent Brendan Fletcher n’avait prêté ses traits à tel personnage. Belle performance qui lui fait composer un petit merdeux atavique, et pervers. Très bon choix de casting de la part de Uwe Boll, la crispation, la rancœur et l’intériorité bouillonnante trouvent ici un incarnat à la hauteur de leur intensité.

L’histoire, en suivant la destinée d’un seul personnage, est simple. Le traitement l’est tout autant: caméra épaule, montage cut, bien trop cut par moment, ce qui amoindrie la tension dramatique et le suivit narratif. Certains effets de montage relèvent effectivement davantage de la facilité stylistique ou rythmique, c’est dommage, mais après tout, ce n’est qu’un des rares défauts du film. Ce métrage est sauvage, la narration n’est qu’une véritable fuite en avant vers la mort et le carnage, rarement une tension aura connu un climax aussi efficace. Le montage est donc bien utilisé, sauf pour ces quelques scories visuelles que cet aspect du cinéma peut parfois amener dans les films de notre époque.

Le son, qui isole le spectateur dans le casque de Bill, nous coupant des réactions de ce qui l’entoure est une excellente idée de mixage, surtout lorsqu’il est couplé à des gros plans sur le visage du tueur. Le film ne semble pas avoir bénéficié d’un budget important, mais ses différentes composantes (image, montage, mixage etc.) sont bien exploitées… Rampage est un film plein d’idées de mise en scène.

Bill est un petit con qui gaspille sa vie, accessoirement celle des autres, mais Bill a un plan. Tuer tout le monde, « parce que des millions de gens naissent et consomment les réserves énergétiques de la planète »… L’idée est peut-être efficace pour lutter de façon drastique contre le surpeuplement, elle prend en tout cas ici la forme d’une tuerie sur vitaminée, pensée, logique et longuement préparée, qui fait passer les assassins de Columbine et de Virginia Tech pour des amibes hydrocéphales et autistes. Bill s’est patiemment construit une armure en Kevlar et accumulé un nombre important de matériel high-tech pour mener à bien sa « mission ». Le tout lui donne une allure étrange et hybride entre le GIGN du futur, et le monstre de série japonaise comme X-Or…

Le machiavélisme du plan de Bill surprend, et réside pour beaucoup dans la qualité du film. Bill détruit d’abord le commissariat, s’en prend ensuite aux forces de police restantes et les neutralise à coup d’uzi. Tendertown (quel nom ironique), petite bourgade américaine comme il en existe tant lui appartient. La moitié du film est un long carnage quasi continu, impitoyable et choquant. Aucune rédemption, aucune pitié ou presque, le film atteint l’intensité des plus grosses scènes de Peckinpah ou de Woo. C’est cette intensité et cette violence que la séquence du loto vient briser et prendre le reste du film à contre-pied, faire aussi comprendre au spectateur que le réalisateur de ce film n’est pas complètement dupe. Cette séquence est un des moments les plus hallucinants que le cinéma ait pu avoir à nous offrir, tant l’ambiance de ladite séquence est proprement  surréaliste. Le film ménage également d’autres séquences aussi décalées ou surprenantes, son scénario n’est donc pas aussi simple qu’il n’y paraît.

On passe par divers stades émotionnels tout au long de ce film, on espère que l’instigateur du massacre se fera plomber bien vite, on espère que quelque chose arrêtera ce massacre mais non. Implacable jusqu’au bout, le plan de Bill fonctionne à merveille : il rentre tranquillement chez lui après avoir fait porter le chapeau à son unique ami, qu’il tue au passage, et après avoir dévalisé une banque. Tout est ingénieux dans son plan, précis, calculé. C’est cette froideur glaciale, accompagnée par le souffle de la violence sanglante des scènes d’actions, qui porte Rampage à un autre niveau que celui du film d’action.

La mort et la violence sont emprunts d’un tel naturel dans ce film que cela rend sa tonalité globale aussi marquante et provocante que glaçante. Le mal n’a jamais eu autant de facilité pour fasciner les gens que lorsqu’il est pur et intact…

Bill rentre tranquillement chez lui le soir, retrouver ses parents quelques peu inquiets par les événements, mais contents que leur fils soit sain et sauf et ait enfin des projets d’étude. Après ces quelques considérations familiales, ils se servent un double scotch… La thématique de Donnie Darko est déclinée ici en version Soldier of fortune, telle est la composition de Rampage. Le pari était risqué, les deux films ont quelques ressemblances, mais chacun porte sa propre inspiration. On peut ici parler du courant plutôt que d’influences: Donnie Darko et Rampage sont des films sur le mal-être et les non-dits qui règnent parfois au sein des familles et de la société américaine, ainsi que sur les quelques conséquences que cela peut avoir. Mais chacun avec son approche et son traitement, le rêve/cauchemar et la psychiatrie pour Donnie Darko, l’isolement et la haine pour Rampage. Mais là où Donnie Darko préfère le rêve et l’allégorie, Rampage montre les limites d’un système et la mort qu’il peut semer, lorsque l’un de ses éléments s’est fixé comme but de le voir bruler…

Film direct, simple mais incisif, pervers, violent et implacable. Rampage est un monument de nihilisme, qui dit bien plus de choses qu’il n’y parait au premier abord… Le film de Uwe Boll est une réussite tout à fait surprenante et inattendue.

A.C

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Enter the Void-Un film de gaspar Noé

J’ai prit le train dans l’après-midi, faisant une visite éclair à Lyon, afin d’assister pendant l’étrange festival, à la première projection publique en copie 35 de Enter the void, le troisième long-métrage de Gaspar Noé. J’attendais ce film depuis deux bonnes années. Le travail de ce dernier, depuis le virage stylistique sans précédent entreprit en 2002 avec Irréversible, avait tenu en haleine le monde du cinéma, et de l’image, tant le découpage choisit remettait littéralement en question plus d’un siècle de règles de prises de vue. Tenu en haleine, mais choqué par l’importance de la violence et de son traitement dans l’image et la narration. 8 ans après Irréversible, quelle est donc la direction prise par Gaspar Noé? Que vaut cette « entrée dans le vide »?

Noé évolue clairement dans la même voie qu’il s’est crée depuis le début de sa carrière de cinéaste, hyper-réalisme, violence humaine ou sociale, animalité des rapports humains, mais en faisant cette fois-ci avec les mutations que ce film propose.

Le découpage est certes alambiqué, virevoltant, mais le style est moins brutal que dans Irréversible, moins immédiat, moins braqué comme une arme contre le spectateur.

Pourquoi? Parce que la douceur (re)fait timidement son apparition dans l’œuvre de Noé. On ressort les sens épuisés des 2h35 d’Enter the void, l’effet est certainement voulu. Mais on ressort avec le souvenir d’avoir vu des jolies choses, simples, fragiles et humaines, au travers d’un univers sombre et déshumanisé (le monde de la nuit à Tokyo) et une histoire au destin implacable.

Le film de Noé narre la relation entre un frère et une sœur, dont on ne sait qui est le plus paumé, et dont on ne découvre que petit à petit les secrets tragiques de leur vie. Existences précaires dans un Tokyo immense, infini, ruche bourdonnante colorée, bariolée de lumières et même fluorescente. Ville que Noé filme à sa manière et qui le lui rend bien. Les japonais n’ont pas besoin de LSD… Bel échange toutefois entre le réalisateur et la ville, il aurait été par contre opportun que le réalisateur s’exprime à propos de sa perception de l’urbain, de ce que la ville lui inspire, en tant que thème.

La complexité de la mise en scène et de l’image placent néanmoins au second plan le caractère intime et fragile des deux personnages principaux de cette histoire, et c’est peut-être une des rares faiblesses du film, de rester coincé entre l’expérimentation pure et une histoire qui, peut-être, aurait tout autant fonctionné avec une mise en scène plus simple, même si cela aurait ressemblé à du cinéma d’auteur plus traditionnel…

Le non dit est important, des thèmes difficiles comme l’inceste sont parfois effleurés, mais là les amateurs de cinéma classique (ou conventionnel) auraient peut-être préféré une étude de mœurs ou un drame familial, Noé préfère entraîner son histoire dans une réalisation dynamique, au rythme haletant, nous les montrant dans cette ville trop grande pour les paumés loin de chez eux, cette ville qui les dévore et les digère de façon aussi féroce que banale.

Le rythme est en tout cas extrêmement efficace, il semble avoir été travaillé au rasoir (comme tout le reste du montage), et permet au récit d’évoluer sans faire perdre le fil narratif au spectateur, les étapes de l’histoire sont ici plus canalisées, plus structurées et plus cohérentes, là où Irréversible proposait une série de cycles composés de plans-séquences. là où le scénario d’Irréversible comportait 16 pages, celui d’enter the void en détient 120…

La drogue est une composante importante du dernier film de Gaspar Noé, mais elle n’est pas traitée avec la morale destructrice et annihilatrice de Requiem for a dream, ou avec un aspect pop eighties crade comme Trainspotting. La drogue est ici un personnage omniprésent, omnipotent, silencieux et atavique, qui emporte tout le monde sur son passage, avec plus ou moins de fracas. Même si Gaspar Noé adresse une référence explicite à son complice Jan Kounen et à son Blueberry par le biais d’une séquence d’hallucinations au début du film, et que les deux amis semblent développer une curiosité certaine pour les substances appartenant à la catégorie des psychotropes, le film pose un regard lucide et froid sur les décombres que laisse la toxicomanie à ceux qui viennent se réfugier dans ses bras.

Et si, au fond, le métrage de Noé n’était qu’un film sur la drogue, au sein d’un résidu de famille malmenée par l’existence?

Ce n’est pas le cas, car la grande force d’Enter The Void est sa réalisation, et on peut dire que Noé s’est surpassé. Le film reprend certains concepts visuels que l’on voyait déjà dans Fight club, Panic room ou Irréversible, c’est par ailleurs la même société, Buf compagnie, qui a concrétisé les effets. Le film pousse ces concepts à l’extrême: Il n’y a ici absolument aucun obstacle physique qui puisse faire barrage à la caméra. Elle se joue de tout, des murs, des lieux, de la distance et du temps.

Elle rentre même à l’intérieur de la tête des personnages pour voir à travers leur propre regard. Enter the Void réinvente presque le concept de plan séquence, en abolissant totalement la notion d’espace physique, et en bousculant aussi la notion de temps, en introduisant des flash-back ou des flash-forwards au sein d’un plan séquence où la caméra se joue déjà de toute distance.. Angelopoulos sous amphets ou acides, au choix.Espérons en tout cas que les grues motorisées les plus sophistiquées ont pu répondre à toutes les exigences de la mise en scène.

Il est à noter que Marc Caro a grandement contribué au projet, en travaillant sur les décors, qui sont effectivement un très grand gage de crédibilité pour l’univers du film et son identité plastique. On sent pour le décor de chaque scène que rien n’est vraiment laissé au hasard, que les éléments du mobilier ont une disposition bien précise et nous renseigne sur l’identité des protagonistes chez qui la séquence est en train de se dérouler. Cela est d’autant plus louable que les décors foisonnent au sein d’Enter the Void, tant le film et la narration sont fractalisés…

Même si on sent que rythme et temps morts sont très étudiés, le film entre quand même dans une sorte de lenteur dans sa deuxième moitié, où longueurs et errements s’affichent à l’image. Longueurs voulues présentes par Noé parce que selon ses propres dires, « une expérience hallucinogène dure des heures. On attend, ca s’arrête, ca recommence. Ca dure des plombes. Il a fallut donc recréer cela au sein du film ».

Enter the void, un substitut au LSD et aux psychotropes ? L’hypothèse est sérieuse. On sent en tout cas un désir chez Noé, de part le rythme, les cycles temporels et leur mise en place dans l’histoire, la volonté de perdre son spectateur dans un dédale temporel et sensoriel. Le temps et l’espace étant dilatés, reformatés, pour être finalement déconstruits.

Qu’on aime ou non son cinéma, force est de constater que Gaspar Noé est un des réalisateurs des plus talentueux et inventifs quand il s’agit de questionner la forme, de remettre en question le son et l’image ainsi que leurs fonctions au sein d’un film et de sa narration, ou en tant que spectacle dans une salle obscure. Noé est un explorateur, un aventurier peut-être, des sensations cinématographiques. Le résultat est ici parfois totalement immersif, surtout la première partie du film, en caméra subjective dans les yeux d’Oscar, jusqu’à sa mort.

On pourrait encore reprocher à Noé une certaine complaisance quand à l’approche des choses tristes et sordides de la vie. Mais c’est par ce moyen, en malmenant la chair et l’âme de ses personnages, et en faisant la même chose au cinéma en tant que support, que Noé obtient peut-être un terrain d’expérimentation aussi vaste.

C’est en malaxant ses concepts d’image, de son, de narration, de persistance rétinienne, que Noé pose les bases de ce que pourra peut-être constituer le cinéma de demain. Qui sait ? La réalisation d’Enter the Void, m’a en tout cas plus transporté que le dispositif 3D d’avatar…

Ce que l’on ne peut en tout cas pas reprocher à Gaspar Noé, c’est de faire dans le remake non avoué ou mal dissimulé. Tout ici sent plus l’originalité que tant d’autres films sortant en salles à l’heure actuelle. Il n’y a effectivement pas d’emprunts ou de plagiats flagrants (peut-être des références cinématographiques), alors que cela est si fréquent dans les productions internationales. Noé, lui, ne recycle pas, il invente. C’est la caractéristique de son cinéma, créer de nouvelles choses, en s’autorisant le droit à l’expérimentation.Les cinéastes ayant les moyens de procéder de la sorte ne sont pas si fréquents. Les reproches et les attaques que des gens comme Oshima, Peckinpah ou Pasolini ont subits ne leur ont pas empêché de devenir ce qu’ils sont devenus. Mais il serait temps que certaines attaques stériles cessent contre le cinéma de Gaspar Noé, on est après tout libre d’aimer ou non son cinéma, mais force est de reconnaître que les questionnements majeures que son œuvre apportent à la forme cinématographique en font un des cinéastes les plus importants de notre époque.

Noé filme la vie, la mort, la naissance, le sang, les choses primales, primaires et essentielles à l’existence. Ceci constitue son univers cinématographique et il met en scène les destins broyés aussi naturellement que d’autres filmeraient des comédies, des blockbusters ou des merdes. Il évoque, avec Enter the void, la destiné improbable des êtres de cette planète, entre impermanence et fragilité. Nous ne sommes d’ailleurs pas très loin de Babel de Alejandro Innaritu en ce qui concerne le croisement malheureux de tous les destins improbables de ce monde.

À la différence près que Noé est, lui, le cinéaste du chaos. Du chaos total.

J’ai adoré ce film, mais j’attends de pouvoir le revoir. D pouvoir l’étudier plus au calme et surtout de prendre le plaisir de, longuement et patiemment, le disséquer…

Play it again Gaspard !

A.C

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Valhalla Rising-Un film de Nicolas Winding Refn

Il faut sans plus attendre célébrer Nicolas Winding Refn. Son dernier métrage, Valhalla Rising (piteusement traduit en français par « Le guerrier silencieux ») est, en ces temps de formatages cinématographiques, un parfait OVNI. Imaginez donc un film quasi silencieux, où il ne se passe parfois rien pendant de longues minutes, moments qui ne narrent rien d’autres que les interrogations diverses et les atermoiements  multiples des personnages. Winding propose effectivement une sorte de non-spectacle qui tranche radicalement avec le reste des productions que nous propose actuellement le grand écran. Même si Valhalla Rising, aux yeux des puristes, n’est qu’un remake officieux de « Aguirre, la colère de Dieu », de Werner Herzog (lui même actuellement occupé à gérer un business de remake, acoquiné avec des producteurs possédant les droits de « Bad Lieutenant »), le dernier film de l’auteur de « Bronson » et la trilogie « Push er » vaut le coup d’œil.

Winding Refn nous projette aux alentours de l’an Mill, lorsque les vikings commencent à reculer devant les premiers chrétiens. Etrange vision évoquée ici, celle d’une humanité perdue au milieu de l’immensité de la nature, et qui s’adonne à de bien violents jeux d’argents. Aucune ville, aucun village ni autre infrastructure n’accueille cette humanité éparse, condamnée à errer dans le vent des fjords et des forêts… Dispositif étrange, à notre époque d’urbanisation globale et mondialisée… La crudité des situations et l’immédiateté de la violence donnent une identité tribale, primitive ou ancestrale à ce film, et surtout un gros gage de réalisme. Même si l’histoire parle aux premiers abords d’un guerrier invincible borgne, le film s’écarte assez vite de son aspect Fight-clubesque et moyenâgeux pour se diriger vers de tous autres thèmes, ceux de l’errement, et de la foi, mais surtout des deux mélangés…

Le borgne et le jeune gosse qui l’accompagne (il sera le témoin de tout ce qui se passe dans le film) sont obligés de faire route avec une troupe nouveaux chrétiens, face à qui on pourrait parler sans doute de syndrome du « nouveau converti ».  Les vikings reculent, effarés devant ces croyants n’ayant qu’un seul Dieu,  « qui boivent son sang et mangent sa chair ». De nouveaux chrétiens en plein Jihad au coeur des terres nordistes. Face à ces hordes de nouveaux croyants se dresse Mads Mikkelsen, sorte de Delon Danois, borgne, et qui ne craint personne. L’infirmité qui frappe notre héros n’est pas si anodine, car il pourrait nous le faire comparer à Odin, divinité principale des vikings.

Et si « One-eye » n’était donc qu’un incarnat ? Ou une projection d’un Dieu qui descend dans la peau et la chair d’un humain, pour assister à sa propre déchéance divine, à l’heure ou d’autres croyances viennent prendre le dessus sur les siennes? L’idée est étrange, mais pourrait bien prendre corps chez Winding Refn. Là où Aguirre partait à la conquête d’on ne sait quoi, on ne sait où, notre Dieu déchu décide d’assister les nouveaux convertis, exaltés eux aussi comme pouvait l’être le personnage de Kinski, dans leur route vers Jérusalem. Route longue et improbable, sur une eau empoisonnée et noyée dans la brume, qui les conduira approximativement au nord de la côte Est américaine ou du Canada.

A l’heure où découpage rime avec charcutage et où rythme rime avec tachycardie, Valhlalla s’autorise quelque chose que l’on voit plus rarement ces derniers temps au cinéma : des longueurs. Des ellipses aussi. Dès que « one-eye » accoste sur les rives de cette nouvelle Jérusalem, où il n’y a, à priori, aucune trace d’humanité, mais une fois encore la nature, intacte et sauvage. Le temps des errements véritables commence alors pour les personnages, et chacun sombre de son côté, tandis que d’autres découvrent les traces d’étranges rituels mortuaires. L’image et le son sont ici plus sensoriels que narratifs, un autre grand luxe sur grand écran. Valhalla rising est un film sur le vide, sur la violence et la foi. C’est l’alliance entre ces trois thèmes qui fait la force de ce métrage, et Mikkelsen, complice de Winding Refn depuis l’épisode numéro deux de Pusher.

La lente déchéance, similaire à la fin d’Aguirre, qui frappe notre groupe de croisés est accompagnée d’une musique lancinante ou parfois épique, comme celle de Popol Vuh dans le film d’Herzog. Quelques effets colorés,  venus du clip, nous apprennent un peu trop facilement que notre borgne est atteint de prémonitions, cela renforce notre hypothèse sur la prétendue nature divine du personnage de Mikkelsen. Ce dernier, conscient peut-être de sa disparition prochaine, décide d’accompagner les nouveaux chrétiens exaltés dans leur perte vers cette nouvelle Jérusalem qu’ils ne peuvent construire, faute d’avoir pu rejoindre l’ancienne… Valhalla rising est le film du Dieu mort qui accompagne les fils du nouveau Dieu dans leur exaltation quelque peu fantasque, l’ombre d’Andrei Roubliov et de Tarkovsky n’est pas si loin. Faut-il faire un film long et étiré pour être aujourd’hui considéré comme un auteur

Et comme dans Avatar, comme quoi l’air du temps est parfois étrange, ce sont une fois de plus des indiens qui apportent au groupe d’infortunés une rédemption pour le moins violente. Ils ont la côte les indiens en ce moment au cinéma.

Après la foi : le sacrifice, le programme spirituel de ce film est décidemment riche, et la plongé abyssale, sourde et crue dans la violence qui sert d’introduction à cet ensemble est particulièrement efficace pour préparer le spectateur à ces thèmes, d’autant que le film gagne en sobriété, après cette introduction où la chair saigne constamment.

Nicolas Winding Refn nous prouve depuis les années 90 qu’il suit une sacrée trajectoire, personnelle et précise, qui sait composer avec les impératifs des canaux commerciaux qu’elle rencontre. Là où Bronson nous raconte l’histoire d’un homme pour qui la société contemporaine ne peut absolument rien, ni la prison, ni l’asile, Valhalla Rising nous montre la condition d’hommes telle qu’elle était il y a environ quelques dix millénaires, un peu comme le Apocalypto de Mel Gibson le faisait dans la jungle sud-américaine. Comme pour Bronson, Valhalla Rising sait exposer et explorer l’humanité lorsqu’elle se voit remise en question par les conditions précaires qui l’entourent. Le style n’a rien à voir avec le découpage de Pusher, il est ici moins léché que Bronson, film d’intérieur par excellent, Valhalla Rising, lui, est un film exclusivement composé de scènes extérieures. Winding Refn semble être un cinéaste réfléchit, qui avance film apes film selon une logique bien particulière. Le temps nous le dira. Qu’il continue donc de travailler avec Mads Mikkelsen, dont la présence écrasante à l’écran et le jeu sobre sont un gage de qualité cinématographique, si l’on en croit ses apparitions dans casino Royale et son beau rôle dans l’excellent Flame&Citron de Ole Christian Madsen.

Play it again Nicolas!

A.C

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Avatar-Un film de James Cameron

Il aura donc fallut 12 ans à James Cameron pour retourner une œuvre de fiction qui soit diffusée sur grand écran, et qui ne soit pas un documentaire sur les fonds marins et autre folklore purement aquatique. Si ma mémoire et bonne, dans les années 90, ce réalisateur projetait déjà de faire un film, où les acteurs seraient en image de synthèse, provoquant ainsi un tollé chez certains puristes arguant le fait qu’aucune science informatique ne pourrait générer l’émotion d’un vrai acteur. L’ingénierie des images de synthèse a depuis bien évoluée, les logiciels autant que les machines…

Que vaut donc cet Avatar ? Produit que l’on nous a imposé une fois de plus, par le biais des canaux de lobotomisation cathodiques et médiatiques que nous connaissons si bien. Le premier constat à faire est que James cameron ne perd en rien de ses talents de metteur en scène, et se démarque de bon nombres de yesmen soumis, dont le carnet d’adresses bien remplit et dont le flair pour le relationnel excuse parfois très bien l’absence de talent (ne voyez pas dans cette réflexion une remarque chauvine de ma part, nous avons les mêmes en France). Certains zooms viennent parfois cependant perturber l’ensemble, donnant à la réalisation un effet old-school quelque peu désuet au milieu de cette débauche High-tech.

Mais là où certains réalisateurs s’enliseraient en effet bien vite dans la complexité d’un tel projet, Cameron a su garder un découpage fluide simple et direct, comme son histoire. Il sait insuffler de la vie dans son film en deux plans, chose qui n’est pas donnée à tout réalisateur…

Le design très travaillé des vaisseaux, des équipements, des créatures est un grand gage de qualité du film, le fruit du travail de plus d’une décennie peut-être : à l’heure du cinéma fast-food, recyclé et instantané (du cinéma soluble donc), des années de travail emmagasinées peuvent faire la différence quand à la qualité d’un film… Visuellement, on ne s’ennuie pas, et les plans dont est capable Cameron rendent un bon nombre de séquences vraiment vivantes et intrépides, ce qui est le cas notamment de la première expédition dans la jungle, l’immersion fonctionne donc bel et bien.

Ayant subit une opération des yeux plus jeune, je ne sais pas si je suis en mesure de juger de l’impact de la 3D sur les longs-métrages de cinéma, dans la mesure où je n’étais pas, au sortir de cette opération, capable de discerner certains effets de relief. Je n’ai en tout cas pas trouvé le dispositif spectaculaire, mis à par en terme d’impact sur le prix du billet : presque 5 euros pour porter des lunettes pendant un film, merci bien…

Peut-on faire un bon film avec 200 Millions de dollars de budget ? La réponse est oui.

Même si la simplicité de l’histoire et sa teneur en eau de rose pourraient en faire fuir plus d’un, le film donne quand même un minimum à réfléchir. A ce prix là, il peut. Avatar est en effet un crypto-remake de Poncahontas, mais pas un remake fidèle, Cameron trace sa propre route et propose une grille de lecture qui pourrait faire passer son film pour beaucoup moins niais qu’il n’y parait. Les na’vis sont de grands lapins-schtroumpfs, animistes en diable, et vivent en osmose parfaite avec la forêt dans laquelle ils habitent, et qui leur prodigue diverses sources spirituelles. Ladite forêt m’a d’ailleurs parfois bien rappelé l’univers de Miyazaki et de sa princesse Mononoké, mais passons, le cinéma connaît actuellement  une période d’emprunts, de citations ou de vol entre les films assez ostentatoire. Les Na’vis habitent la planète Pandora, la symbolique est un peu lourde, mais au final, assumée, Pandora sera-t-elle ouverte ? La filiation entre les Na’vis et les amérindiens est flagrante et voulue, que cela soit par leurs coutumes, leur culte, leur relation à la nature, leurs cris, ou encore leurs maquillages de guerre. L’histoire que nous raconte James Cameron est une sorte de parabole sur la création des Etats-Unis d’Amérique, où la planète Pandora remplace le nouveau monde et où les conquérants prennent ici la forme d’un puissant conglomérat économico-militaire, tiens donc…

L’expédition militaire, qui se rend sur Pandora, pourrait donc être aussi une métaphore d’un certain pouvoir omniprésent au sein des Etats-Unis d’Amérique, celui du conglomérat résultant des alliances entre oligarchie financière et industrie militaire, l’image est assez troublante… D’autant plus que l’expédition est gérée sans aucun compromis par un jeune yuppie arrogant, que l’on a très vite envie d’abandonner seul et nu dans la jungle de Pandora.

Le militaire au service du capitaliste ? Fichtre, il est en tout cas étonnant de retrouver pareille métaphore dans le blockbuster le plus cher du moment, les alliances entre le monde de la finance et le monde militaire américain ayant en effet donné lieu à quelques tergiversations géo politiques malheureuses au cours de la dernière décennie… Rachat de conscience ? En voyant à quel point le colonel, dont la voix dévoile une pointe d’accent sudiste, obéit à son yuppie de chef, la métaphore est en tout cas bien présente, et bien crédible…

Ce discours me rappelle personnellement certains films. 2012 notamment, où la pauvre Amérique disparaît en premier dans le cataclysme, et ou ses ressortissants ont besoin de l’aide des chinois pour s’en sortir (enfin, pour que les plus riches d’entre-eux puissent survivre, le cinéma étant un excellent moyen pour enseigner les valeurs du darwinisme social à ses congénères). Avatar me rappelle également Iron Man, avec son inventeur-vendeur d’armes superstar, qui s’achète une conscience en jouant les super-héros après s’être rendu compte qu’une arme pouvait détruire et rendre les gens malheureux. Le film de Cameron, comme ceux que je viens de citer, semble en tout cas pourvu du même désir de clarté morale, à moins que l’ère Obama soit un peu plus putassière que les ères Reagan ou Bush… Désir d’exposer une certaine situation ? Besoin d’avouer une réalité intangible de son pays ? Cameron ne fait que mettre en place un état de fait, à nous de juger, peut-être.

Avançons donc un peu dans le récit afin d’en savoir clair. L’expédition humaine doit chasser de leur habitat naturel les pauves na’vis, afin d’extraire un précieux métal, s’ensuit donc une invasion aérienne spectaculaire, à grands renforts de projectiles incendiaires qui se transforme en carnage pour les na’vis. Viens alors le temps pour notre héros Sam Worthington de se transformer en Sitting-bull na’vi et d’unir tous les clans de la planète pour repousser l’offensive des vilains capitalistes humains. La chose se fera à grand renfort de bataille aérienne fort efficace. Pandora n’est pas conquise, le nouveau monde reste inexploré, étrange vision que Cameron porte sur l’histoire de son pays. A moins que tout cela ne soit simplement qu’un divertissement

James Cameron est un étrange mutant hollywoodien, perdu entre Cécil B.De Mille, de par le faste de ses productions, et Stanley Kubrick, pour la rareté relative de ses longs-métrages de fiction et les années de travail qu’il semble accorder à ses projets. Il est donc un phénomène rare au sein de la galaxie hollywoodienne, et s’il entrait dans une création de films plus personnels ou réalistes, et moins basés sur l’entertainment, nous aurions sans doute un réalisateur dont la capacité à être auteur, ou considéré comme tel, serait éclatante.

A.C

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Un prophète-Unfilm de Jacques Audiard

Je dois avouer que j’attendais le cinquième long-métrage de Jacques Audiard avec une impatience certaine, curieux de me pencher sur son approche du milieu carcéral. Là où de battre mon cœur perdait un peu en véracité et en lyrisme, à cause de quelques virages scénaristiques prévisibles ou déjà vus, on pouvait dès lors s’inquiéter quand à la suite de la carrière de Jacques Audiard, pris au piége du prochain long-métrage, après un « Sur mes lèvres » encensé, et un « de battre mon coeur s’est arrêté » qui a connu un succès aussi fort mais qui…

Rassurons nous, un prophète est implacable. Une ou deux séquences assez artificielles, dans la forme (celle du rêve prémonitoire principalement), une ou deux répliques pas vraiment utiles, mais c’est tout. Chipotons un peu, on est ici dans le registre du grand cinéma et on a donc le droit d’être exigeant.
Rien que le casting de ce film relève du grand art et de la haute voltige, kaléidoscope de visages et de personnages burinés par l’existence et la prison. Certains sont même tellement réalistes que l’on est parfois même en situation de ne pas pouvoir se dire que l’on est face à des acteurs en train de jouer. A ce sujet, mention spéciale à Slimane Dazi, glaçant de réalisme… Jordi le gitan, Nabil l’egyptien, belle galerie de personnages hauts en couleurs.

Le charme du style d’Audiard est toujours là: caméra tremblotante, organique mais toujours à l’affut. Répliques à peine sorties de la bouche des acteurs et déjà cultes (« Tu parles avec les barbus, tu parles avec les corses, tu parles avec les Lingheri, tu viens ici. Tu fais le grand écart, c’est mauvais pour les couilles »-« On va se faire sucer, je te ramène à l’avion? »). Technique du gant noir sur l’objectif, tout est là. Et même si la séquence du rêve prémonitoire sent les effets de post-prod surdosés, le style s’éloigne de ce qu’il était sur De battre mon cœur pour revenir vers celui qui faisait tant le charme de Sur mes lèvres.

Ces considérations formelles et esthétiques étant dites, attaquons nous maintenant au fond et à l’histoire. J’ai entendu certaines personnes dires qu’elles étaient déçues, qu’elles attendaient un film sur les prisons, un film avec LEUR vision de la prison peut-être? Sujet sensible et d’actualité s’il en est dans la mesure où la France possède les pires prisons d’Europe…
Film sur la prison, Un prophète l’est incontestablement, et il est même un peu plus que cela… Le film narre le parcours du personnage de Tahar Rahim, incarcéré pour 6 ans. Parcours qui tourne à l’initiation, violente, sombre et réaliste. Que dit le film sur la prison? Qu’elle est une école, où l’on apprend à lire et à écrire, et où l’on apprend aussi les codes du milieu, et les étapes qui mènent au status de caïd… Approche réaliste, sociologiste même s’il en est, dans la mesure où bon nombre de détenus, anciens ou pas, parlent de la prison comme de la meilleure école du crime qui existe.
Mais on pourrait simplement se trouver avec un film bien maîtrisé qui traite un sujet de manière rigoureuse, mais Audiard ajoute un autre thème (qui semble devenir une obsession depuis De battre mon cœur), qui apporte une toute autre dimension au film: celui de la filiation.
C’est la grande originalité d’un Prophète, placer un thème tel que celui là entre ces deux personnages, entre le vieux et le jeune, entre le corse et l’arabe. Ayant passé quelques années à Marseille, je sais de sources quasi sures que les relations entre mafias corses et maghrébines sont… Passionnées… Et depuis de longue date…

Filiation donc difficile, entre le personnage de Niels Arestrup (Arestrup-Audiard, combo fatal) et celui de Tahar Rahim. Que reste-t-il à ce vieux caïd qui sait qu’il va mourir seul, dans la déchéance? Son instinct paternel peut-être? Instinct qui le pousse à transmettre son savoir à ce jeune, qui appartient pourtant au clan rival. C’est dans ce mystère que réside peut-être le charme du dernier long-métrage d’Audiard…

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Johnny Mad Dog-Un film de Jean-Stéphane Sauvaire (2007)

Johnny Mad Dog-Jean Jacques Sauvaire

Casting impeccable, atmosphère palpable, réalisme des situations et des personnages, tout y était…

Le sujet est délicat, et peu évoqué, Johnny Mad Dog est un film sur les enfants soldats en Afrique… Après une intro d’une force titanesque, le décors est planté: nous suivons les errements d’une troupe d’enfants soldats, quelque part, là-bas. Le film a été tourné au Libéria, et compte de très beaux décors.

Guérillas fantoche, où l’on terrorise davantage les civils plus qu’autre chose, où l’on pille, ou l’on détruit, où l’on viole. Guerre de destruction, à l’idéologie floue, rebelles contre troupes gouvernementales sous le regard impassible des figurants à casque bleu, malheurs causés par le carnage aveugle de la guerre. Béret rouge africain qui conditionne les mômes à l’aide de rituels truqués, méthodisme trépidant des gamins à AK.
Johnny Mad Dog ne souffre aucunement d’une approche fantaisiste quand à son sujet, ni d’un manque de moyen, la Lumière et le cadre sontd’ailleurs excellents. Le film est remplit de beaux moments, de moments simples et lyriques, perdus dans le fracas de la mort et de la destruction.

Mais hélas, on se plait à errer avec cette troupe d’enfants-marionnettes guerriers, puis on se met à trouver le temps long. On relève la tête, on regarde le TC: 44:41. Puis on continue de trouver le temps un peu long, et ce jusqu’à la fin du film… Quelques symboles, quelques grilles de lecture viennent frôler le film, notamment le rapport entre Mad Dog et la jeune fille qui essait de sauver son père, mais le tout est encore trop timide, et passé le choc de la découverte de cet univers, l’intensité du film s’essouffle peu à peu.

C’est vraiment dommage, ce petit manque d’écriture empêche Johnny Mad Dog d’être complètement un chef d’œuvre…

A.C

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2012-Un film de Roland Emmerich

Enième plus grosse livraison en date entre Dark Knight, et avant Avatar de James Cameron, en terme de budget, 2012 est un film surprenant à bien des niveaux. En premier lieu, le discours intrasèque du film est quasi historique par rapport à ce que nous réservaient jusqu’alors les États-Unis par le biais des blockbusters Hollywoodiens: Mais où sont les USA? Où est le sauveur éternel du monde?

Voici quelques explications: les méchantes particules solaires qui vont venir nous attaquer sont détectées quelques années avant 2012 (le début du film est identique à celui de Deep Impact au niveau du cheminement narratif).
De mystérieux hommes en noir parcourent donc le monde à la recherche de généreux donateurs pour d’étranges contrats, mais en euros s’il vous plait, et pas en dollars!! Grande surprise, et premier détail d’une longue série, qui au final, donne une tonalité particulière à ce film.

Retraçons à présent le parcours narratif du film: Une fois les catastrophes démarées, le premier pays à disparaitre, chose surprenante, ce sont les USA. Hop! le big one, tremblement de terre qui menaçait LA depuis des décennies fait son apparition dans le film, il est plutôt déchaîné et pourrait mettre être accusé de dopage. C’en n’est plus de la cité des anges assez vite dans le film… Après l’hyper-tremblement de terre, place à l’hyper-erruption volcanique du Yellowstone, le tout a été bien évidemment découvert par un fou adepte du conspirationnisme (interprêté par le trop rare Woody Harrelson), histoire de brosser tous, je dis bien tous les spectateurs dans le sens du poil (c’est une des caractéristiques du film), quitte à établir une dychotomie déstabilisante au sein du film…
S’ensuit donc la protocolaire fuite nécessaire à la survie que l’on retrouve dans tout film catastrophe. Et là surprise, quel choix reste-t-il à la troupe pour survivre? Monter dans un Antonov qui brille de milles feux sur un aéroport dévasté, pour participer au plan de sauvetage, en Chine!! Grand chamboulement dans la doctrine des films hollywoodiens. La flatterie est présente et obséquieuse à souhait. A propos de cet avion russe: « It’s big-it’s russian… » ou à propos de la Chine: « Nous n’aurions rien pû faire sans l’efficacité chinoise. » Ton peu anodin pour ce film, en ce qui concerne le regard des états-unis sur le monde. Le message est clair, à l’heure ou le dollars et la livre-sterling sont sous respirateurs artificiels, c’est: »les gars, on a besoin de vous. » Qui aurait pû voir ce film sous W.Bush, Nixon ou Reagan? A moins que cela ne soit juste une grosse opération de manoeuvres médiatique (Maya, 2012 a été une des plus grosses requêtes de Google ces dernières semaines), à l’heure où on ne ferme toujours pas Guantanamo, sans doute pour quelques contingences administratives et où l’on envoit 30000 boys en plus en Afghanistan, cela laisse songeur…

Changement de cap annoncé dans le discours global du blockbuster hollywoodien? Ou opération de com pour amorcer un changement au niveau géo-politique, le temps nous le dira… Les métaphores sont en tout cas présentes, j’en veux pour preuve l’étonnante scène où l’USS John Kennedy vient s’écraser sur la maison blanche, et sur un président, lui aussi, noir… Monde étrange que celui que veut nous montrer 2012, un monde où, par exemple, de gentils militaires chinois viennent gentillement déplacer paysans et moines tibétains de leur village à cause d’un « projet secret » et les enmener en
Camion. Hyper vision psychotique d’un monde idéalisé au possible, c’est ce qu’est en substance 2012.

Le film est donc riche en symboles et permet d’apposer plusieurs grilles de lectures. On peut y lire, ou pas, certaines métaphores.
Cette multiplicité est d’ailleurs l’une de ses seules qualités et aussi l’un de ses défauts.
En effet, à force de vouloir dire tout, et son contraire, de vouloir être le plus gros et le plus sympa avec tout le monde (en surfant beaucoup sur les peurs des masses tout de même), 2012 entre dans une schyzophrénie assez singulière, qui le rend au fond amusant ou attendrissant.
En voici un exemple assez frappant, le mec de l’ex du héros (John Cusack), qui est un dentiste avec une super situation, roule en Porsche. La malheureuse voiture allemande disparaît dans un trou après que John Cusack l’ait malencontreusement poussée pendant un tremblement de terre. Réaction furieuse et outré du dentiste qui lui a piqué son ex, alors que le monde a déjà commencé à disparaitre. Dénonciation propre et scolaire de la société de consomnation, de la possession, du luxe, de ce que vous voulez. Plus tard dans le film pourtant, c’est une voiture du même type qui sauve la troupe, une Bentley à commande vocale, sensiblement plus chère que la Porsche du dentiste.
Le luxe n’est rien, mais le luxe te sauve, voilà ce que l’on serait tenté de lire.
Dychotomie vraiment étrange qui rend le film encore plus monstrueux qu’il ne l’était déjà, de par son sujet et son budget et sa direction générale, qui tend de tout son possible vers l’hyperbole la plus absolue.

Sur un plan plus immédiatement cinématographique, le film est assez décevant, la situation du personnage principal est la même que celle de Nicholas Cage dans le dangereusement prosélyte Predictions, du pourtant doué Alex Proyas. L’écrivain divorcé et sympa qui fait tout pour reconquérir son ex et ses gosses. Les personnages sont inexistants, parce qu’au final très peu écrits, alors que le casting est plutôt satisfaisant. La dramaturgie n’a jamais été le fort de Rolland Emmerich, et les situations de drames ou de danger qu’il met en scène ne sont jamais très crédibles et efficaces, parce que c’est parfois mal joué, donc mal dirigé….
Il faut toutefois noter que dégager une dramaturgie à dimension malgré tout humaine d’un scénario dont les pages ne décrivent que des évènements réalisés par ordinateur relève de l’exploit. Reste quelques beaux cadres, perdus dans un découpage assez confus, où le contraste entre le grain de la pellicule et l’absence totale d’aspérité graphique des images cgi finit par agacer.

Le film donne au final une sensation d’intense confusion hystérique, et le sentiment qu’en étant un peu plus purement cinématographique, moins symbolique, et moins enclin à verser dans un hyper spectacle hyper apocalyptique, il aurait été bien mieux. Le film a fait un super démarrage aux US, donc on s’en fout après tout.
J’en veux pour preuve l’une des rares scènes réussies du film, car sobre et organisée, contrairement au reste du film. Je veux parler de la séquence où un vieux moine tibétain observe, impassible, l’océan qui engloutit les montagnes qui le surplombent. La séquence est courte, épurée, le moine fait sonner un gong, et puis c’est tout. La sobriété de cette scène la différencie vraiment du reste du film, la tension spirituelle dégagée par le personnage est là, pas besoin d’en rajouter. Cette séquence est tellement efficace qu’on la trouvait déjà dans la bande annonce du film.
Elle s’oppose à l’autre scène de « destruction spirituelle »: celle où le Vatican disparaît à son tour, à grand renfort d’effets dynamique modélisé sous Maya ou Discret. La symbolique déployée par la fissure évoluant sur la fresque de la création d’Adam, dans la chapelle Sixtine, est aussi légère, subtile et délicate que la conduite d’un T-80 dans les ruelles d’un petit village. La scène est émotionnellement dure pour les amateurs de peintures classiques, pour les catholiques aussi sans doute… On la retrouve déjà sur YouTube en bonne qualité, alors que le film est encore en salles, étrange.. Le découpage est précis, le tempo est minutieux: à la seconde où il apparaît, le pape disparaît dans le cataclysme. Hollywood aurait-il un compte à régler avec Benoit 16 ou les hautes instances catholiques? Je me demande en tout cas benoitement ce que le film, et les Etats-unis d’Amérique, auraient donné si la même séquence s’érait déroulée aux pieds de la Kaaba à la Mecque, ou bien au mur des lamentations dans Jérusalem…

Le film, du reste, est soupoudré d’un patchwork mystico-biblique où les bateaux qui s’appellent la Genèse coulent, où l’on construit des Arches réservées aux riches, cela étant justifié par un court dialogue puant le darwinisme social à plein nez, et suintant de biens vilaines humeurs idéologiques, les chose ne sont pas prêt de s’arranger pour la middle-class, si toutefois elle devait continuer d’exister…

On ressort de là épuisé, le cerveau lessivé par les surenchères de cet hyper-spectacle, sorte de Home de Yann Arthus-Bertrand mais en version bibliquo-psychotique. Même si au niveau de la représentation de la mort et de la souffrance, le film reste d’un cheap épouvantable, le studio ayant apparemment tout fait pour éviter une interdiction aux mineurs. Une fin du monde très mainstream en tout cas. Ce projet était très ambitieux, et aurait pû donner un meilleur résultat avec un metteur en scène plus efficace, plus humain et versant moins dans la mysthique de supermarché… On finit avec l’impression de ne rien avoir apprit de plus par rapport à ce que pourrait être une hypothétique fin du monde.
On a reproché également au film de surfer sur les croyances et les interrogations laissées par les civilisations mayas et sud-américaines, grandes spécialistes des sciences du ciel. Il convient alors de faire la précision suivante, ces civilisations étaient surtout à même de bien connaitre la précession, c’est à dire la perception des mouvements et des rotations des nombreux éléments qui naviguent dans l’espace, les planètes, les étoiles et autres nébuleuses, ou bien encore des Aliens.

Au final… Et si 2012 n’était qu’une sensibilisation sournoise des masses aux problèmes potentiels liés aux diverses activités solaires? Voici ce qui traine sur Youtube-http://www.youtube.com/watch?v=RDuWBUs4FBw&feature=related- et qui déclenche une vagues de réactions diverses, comme sur les sites où l’astrologie maya est abordée (http://21dec2012.e-monsite.com/accueil.html). Vous aurez alors une idée du climat général à propos de tout cela, ah ah…

Réponse en 2013, pour la suite où l’on reconstruit le monde. Ben oui, j’ai oublié de vous le dire: un super airforce one-super high tech veille sur nous, tout en volant, comme si de rien n’était, découvrant en temps réel les modifications que les phénomènes apocalyptiques occasionnent sur la planète. Ou bien alors le 21 Décembre 2012, si vous préférez vous référer au calendrier maya plutôt qu’au calendrier grégorien, lorsque la fin du cycle des 13 baktuns du Compte Long Maya aura lieu…

A.C

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